23/05/2012
Nos publications
Voir A Propos, en haut à gauche sur ce blog, pour Qu'est-ce que le don artistique?, Freud et la conquête de la biographie, Freud et Léonard, Freud et la Gradiva de Jensen.
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21/05/2012
Wilhelm Jensen (1837-1911) suivi de : Jensen, un homme avec lequel Freud n'a pas eu d'entretien
(Page complétée le 22 mai 2012)
Le site de Wikipedia France (http://fr.wikipedia.org) n'accordait récemment à Jensen que trois ou quatre paragraphes très courts.
Le 21 mai 2011, nous avons rajouté à cette page relative à Jensen la section suivante (combien de temps notre ajout restera-t-il visible sur Wikipedia?):
"Oeuvres disponibles (au 21 mai 2012):
Outre Gradiva, sont disponibles dans des traductions françaises récentes:
Dans la maison gothique, Gallimard, 1999, collection Connaissance de l'inconscient;
L'Ombrelle rouge, éditions Imago, Paris, 2011 (suivie d'un Essai de lecture freudienne, par Jean Bellemin-Noël).
En allemand, outre Gradiva, 14 volumes de Jensen ont été récemment réédités, et 15 volumes, ainsi que quelques poèmes, peuvent être lus sur internet: voir la page:
http://gutenberg.spiegel.de/autor/305
Il semble que redécouvrir Jensen soit possible, puisque l'on republie certaines de ses oeuvres."
_________
Jensen : un homme avec lequel Freud
n’a pas eu d’entretien
Selon la page de Wikipedia France à laquelle nous avons ajouté la section : Œuvres disponibles, l’œuvre de Jensen aurait « rapidement été oubliée ».
Pourtant, des gens se souviennent de lui en Allemagne, et la notice sur Jensen de Wikipedia Allemagne
(de.wikipedia.org), dont nous avons l’intention de rendre compte bientôt, comporte cinq pages.
On se souvient de Jensen, et même à la radio ! Une journaliste, Henrike Leonhardt, lui a consacré une émission le 15 janvier 2012, et une page sur internet :
Le dernier paragraphe de cette page porte pour titre :
Freud n’est pas venu…
et explique :
« (…) Jensen et sa femme avaient cordialement invité Sigmund Freud dans leur petite maison de campagne à Sankt-Salvador près de Prien, pour répondre de manière étendue à quelques questions. (…) ». Mais, selon Freud, Jensen aurait « refusé sa collaboration ».
C’est en effet l’expression que le fondateur de la psychanalyse emploie dans le Supplément ajouté en 1912 à son essai sur Gradiva.
Jean-Bertrand Pontalis, dans sa préface à la nouvelle de Jensen et à l’essai de Freud, écrit fort justement :
« Les lettres de Jensen à Freud que nous publions en appendice contredisent quelque peu la légende voulant que Jensen se soit montré réticent face aux questions de son interlocuteur. »
Freud a-t-il finalement estimé qu’il n’avait pas grand-chose à attendre de Jensen ?
Certes, Jensen a été d’accord, « dans l’ensemble et pour tout l’essentiel », avec l’interprétation que Freud a donnée de Gradiva. Mais il n’a pas dit que cette interprétation vérifiait la théorie psychanalytique.
Dans sa lettre à Jung du 26 mai 1907, Freud semble le lui reprocher :
« Ce que Jensen lui-même en dit ? Il s’est exprimé très aimablement. Dans sa première lettre, il a exprimé sa joie que, etc., et a déclaré que l’analyse avait, pour tout l’essentiel, touché les intentions de la petite œuvre. Par là, il n’entendait bien sûr pas notre théorie, de même qu’en général, en vieux monsieur, il semble incapable de comprendre d’autres intentions que ses propres intentions littéraires. »
Comme nous l’analysons en détail dans notre troisième partie de Freud et la Gradiva de Jensen (à paraître dans quelque temps), Freud et Jung semblent se livrer à une véritable disqualification de Jensen comme « vieux monsieur ».
Doit-on se souvenir de Jensen comme de l’homme dont Freud a négligé d’accepter l’invitation, ainsi que certains ont cru devoir le remarquer, et avec lequel il n’a pas eu d’entretien ? Comme cela peut paraître étrange ! Et comme est étrange la célèbre lettre de Freud à Schnitzler du 14 mai 1922, où Freud écrit :
« Une question me tourmente : pourquoi, en vérité, durant toutes ces années, n’ai-je jamais cherché à vous fréquenter et à avoir avec vous une conversation ? (…)
« La réponse à cette question implique un aveu qui me semble par trop intime. Je pense que je vous ai évité par une sorte de crainte de rencontrer mon double. »
Schnitzler, double de Freud ? Mais un autre double n’aurait-il pas été relégué dans l’ombre ?
Dans le deuxième chapitre de son essai sur Gradiva, Freud écrit à propos de lui-même :
« (…) sa surprise ne fut pas mince lorsqu’il constata que, dans Gradiva, publiée en 1903, un romancier mettait à la base de sa création la nouveauté que lui-même pensait avoir puisée aux sources de son expérience médicale. »
Dans notre troisième partie de Freud et la Gradiva de Jensen (à paraître dans quelque temps), nous proposons une analyse détaillée de l’ambivalence de Freud à l’égard du romancier, et de l’étrange revirement à son sujet. Notre quatrième chapitre porte d’ailleurs pour titre : Le revirement de Freud au sujet de Jensen : une déception par le double ? Dans la seconde partie de ce même chapitre, nous nous efforçons d’analyser de manière très précise la lettre étrange de Freud à Arthur Schnitzler.
Michel Valtin
10:51 Publié dans Wilhelm Jensen (1837-1911) | Lien permanent | Commentaires (0)
20/05/2012
Jean-Bertrand Pontalis, Freud et Léonard
Jean-Bertrand Pontalis, Freud et Léonard
Dans la rubrique (catégorie) Admirateur de Freud, mais admirateur critique, et dans nos numéros 177 (pages 33 et 34 en particulier), 181 et 185, ainsi que dans les extraits Freud et la conquête de la biographie et Freud et Léonard de Vinci, donnés sur ce blog, nous avons noté plusieurs points d’accord avec Jean-Bertrand Pontalis.
Pourquoi, alors que je me présente non pas comme un psychanalyste, mais comme un psychologue de la création littéraire et artistique, est-ce que je me sentirais plus proche de Jean-Bertand Pontalis que d’autres psychanalystes ou d’autres auteurs qui traitent de Freud ?
Dans Le Royaume intermédiaire (Penser l’intermédiaire), Jean-Bertrand Pontalis écrit :
« Je ne plaide pas pour l’indécision. mais il est vrai que d’une manière générale, je n’apprécie pas les propos péremptoires, sans appel (comme ceux proférés par le Tribunal suprême) et que j’évite dans mes interprétations, proposées plutôt qu’imposées, tout ce qui pourrait être entendu comme « Je lis mieux que toi dans tes pensées » ou, pis, comme « Tu es ce que je dis ». »
Cette façon de voir me semble sage.
Dans les questions relatives à Léonard de Vinci, qui semblent relever moins de la clinique que à proprement parler que de l’étude, pourquoi choisir Jean-bertrand Pontalis plutôt que Jean Laplanche, par exemple, co-auteur lui aussi du Vocabulaire de la Pychanalyse, et qui a lui aussi écrit sur l’essai de Freud relatif à Léonard (Problématiques, III, La Sublimation, Presses universitaires de France, 1980, Quadrige, P.U .F., 1998) ?
Dans le sous-chapitre intitulé Le « Léonard » de Freud, Jean Laplanche s’exprime ainsi :
« Ici, pour cette année, notre abord restera singulier ; interrogation de Léonard de Vinci, non pas pour proposer une investigation personnelle des textes, de l’œuvre et de la vie de Léonard lui-même (ce pour quoi je n’ai ni le loisir ni la compétence) mais pour réinterroger le Léonard de Freud, écrit en 1910, et dont on peut considérer que c’est une œuvre de spécialiste, même si elle se trouve singulièrement contestée. »
Il est tout à fait honorable de reconnaître les domaines où l’on ne possède pas de compétences suffisantes, mais, à réinterroger le « Léonard » de Freud sans connaître suffisamment Léonard lui-même, ne se condamne-t-on pas à ne pas pouvoir décider de la pertinence ou du caractère peut-être erroné de beaucoup d’affirmations de Freud ? Au contraire, en étudiant à la fois Freud et Léonard, et en faisant preuve de suffisamment d’esprit critique, ne se rend-on pas mieux capable de progresser à la fois dans la compréhension de Léonard et dans celle de Freud ? C’est ce qu’a fait, me semble-t-il, Jean-Bertrand Pontalis.
Il y a toutefois une question en particulier sur laquelle je me trouve en désaccord avec ce dernier, celle de l’imagination.
Dans Freud et la conquête de la biographie (notre numéro 181), j’ai écrit :
« (…)
Après ces critiques, Pontalis entreprend toutefois une justification de Freud.
Comment lire Un Souvenir d’Enfance de Léonard de Vinci ? demande-t-il.
« On peut le lire d’abord, et c’est sans doute la meilleure voie, comme plus d’un nous engage à lire tout texte de Freud : sans trop nous soucier de son adéquation à la « réalité » ou de sa convergence avec les savoirs, souvent oublieux, eux, qu’ils ne progressent aussi que par l’erreur et dans l’excès. Après tout, la qualification de « roman psychanalytique » n’est péjorative qu’aux yeux de ceux qui ne tiendront jamais l’imagination pour la reine du vrai… Si on consent à lire ainsi l’essai sur Léonard, on est saisi par son mouvement propre, par l’audace, alors inouïe, de ses avancées et surtout par l’art de tenir ensemble des données aussi hétérogènes, multiformes, que l’était son modèle. »
« L’imagination est la reine du vrai » est une citation tirée du Salon de 1859 de Baudelaire. Elle vient immédiatement après ce que, selon le poète, on dit d’un savant sans imagination : « qu’il a appris tout ce qui, ayant été enseigné, pouvait être appris, mais qu’il ne trouvera pas les lois non encore devinées. »
Sans doute Freud a-t-il souvent fait preuve d’imagination au sens baudelairien dans le domaine de la psychopathologie. De mon point de vue, il n’en va pas de même dans les domaines de la psychologie de la création artistique, de l’esthétique, et même de la biographie.
L’audace, certes, est le propre d’un conquérant. Mais s’il néglige la prudence et la nécessaire adéquation à la réalité, ne risque-t-il pas de s’égarer ?
La qualification de « roman psychanalytique » est très péjorative, si Freud avait l’intention de créer une « science psychanalytique ».
(…). »
Si, selon Baudelaire, « l’imagination est la reine du vrai », c’est parce que cette « reine des facultés » est l’analyse, la synthèse, et quelque chose de plus. Si c’est elle qui permet au savant de « découvrir les lois non encore devinées », et si d’autre part, comme le reconnaît Jean-Bertrand Pontalis, la joie éprouvée par Freud à mettre la main sur le souvenir d’enfance de Léonard lui a, sur quelques points particuliers, brouillé la vue, et l’a conduit à quelques petites erreurs, ou même à des erreurs d’une certaine importance, il n’a pas, dans cette mesure, fait preuve d’imagination au sens baudelairien.
« Même si l’essai de Freud sur Léonard, écrivais-je dans l’essai cité plus haut, contient des vues remarquables, les assemblages d’hypothèses très fragiles auxquels il a trop souvent recours n’en fait-il pas un édifice impossible ? »
Dans l’ensemble, je ne saurais trop recommander, avec toutefois la réserve mentionnée à propos de l’imagination, la lecture et la relecture de la préface de Jean-Bertrand Pontalis à Un Souvenir d’Enfance de Léonard de Vinci.
Jean-Bertrand Pontalis, voir :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Bertrand_Pontalis
Michel Valtin
16:11 Publié dans Jean-Bertrand Pontalis | Lien permanent | Commentaires (0)