Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

28/04/2021

Dans Le Coq-Héron d'avril 2021 (244)

Dans  Le Coq-Héron d'avril 2021 (244)(Sigmund Freud et Carl Gustav Jung, une relation énigmatique), Mireille Fognini a donné un compte rendu de plus de deux pages sur les essais de Michel Valtin intitulés Freud et Léonard de Vinci (la question de l'inhibition artistique), parus dans La Petite Revue de l'Indiscipline (Numéros 220, 224 et 228. (Michel Valtin veut écrire à nouveau le numéro 228, écrit trop vite, selon lui).

Dans son compte rendu, Mireille Fognini se propose d'"ouvrir et poursuivre un débat sur les questions soulevées par l'auteur, à propos des réflexions de Freud sur la créativité artistique".

A propos d'Un Souvenir d'Enfance de Léonard de Vinci, elle écrit notamment:

"(...) car en cette belle étude partisane qu'il considère comme sa préférée, l'inventeur de la psychanalyse en est venu à envisager, selon Pontalis, "le processus de la création sur le modèle de la constitution des névroses". Ce qui ouvre donc bien sûr à débat."

Dans sa conclusion, l'auteur note:

"Car il reste toujours problématique de soumettre les oeuvres de grands artistes aux canevas de théories psychanalytiques, en faisant courir le double risque de dénaturer tant le travail de réflexion psychanalytique partagée dans la cure que l'engendrement subjectif de toute créativité artistique."

Il convient certes de distinguer ce qui se passe dans la cure des réflexions relatives à la création littéraire ou artistique. Quant à l'engendrement de ces créations, il est en partie subjectif, sans doute, mais (là, Michel Valtin ne serait peut-être pas tout à fait d'accord avec Mireille Fognini) les analyses que de grands artistes et de grands écrivains, comme certains de ceux dont les noms sont cités dans le compte rendu (outre Léonard: en particulier Baudelaire, Goethe, Schiller, Novalis, Nietzsche), ont données de ce qui se produit lors de la création et de la composition (sans oublier le jugement) le sont-elles, ou le sont-elles entièrement? Accuser leurs auteurs de subjectivité, cela ne tendrait-il pas à leur dénier toute intelligence de ce dont ils parlent?

Or, au contraire, etc.

La contribution de Michel Valtin au débat sur Freud et la création artistique et littéraire tentera de se poursuivre par ses essais sur Freud et Dostoïevski (à paraître à partir de cette année 2021).

27/12/2020

Freud et Dostoïevski. La question du jeu. Numéro 235.

Résumé simplifié d'une partie de notre numéro 235, à paraître en 2021.

Exposé sur Freud et Dostoïevski. La question du jeu, fait au café philo du Carré 30, à Lyon, en janvier 2021.

Dans cet exposé, suivi d'un débat, il sera surtout question du jeu. A une certaine période de sa vie, Dostoïevski a joué à la roulette. (...)

Freud, dans son article intitulé Dostoïevski et la mise à mort du père (1927), blâme dans le romancier "sa conduite insensée mue par les pulsions". D'accord. Mais il s'agit de savoir lesquelles.

Freud dit encore:

"Dostoïevski pouvait mettre en avant qu'il voulait, par le gain au jeu, acquérir la possibilité de retourner en Russie sans être incarcéré par ses créanciers. Mais ce n'était qu'un prétexte, Dostoïevski était suffisamment perspicace pour le reconnaître, et suffisamment honnête pour l'avouer."

Une autre question se pose donc, celle de savoir dans quelle mesure Dostoïevski était perspicace par rapport à sa propre pulsion ou passion du jeu. "Il savait que l'essentiel, poursuit Freud, était le jeu en soi et pour soi, le jeu pour le jeu." Et l'inventeur de la psychanalyse précise dans une note, en citant Dostoïevski:

"L'essentiel est le jeu lui-même, écrivait-il dans une de ses lettres. "Je vous le jure, il ne s'agit pas de cupidité, quoique, bien évidemment, j'eusse avant tout besoin d'argent."

Dostoïevski avait besoin d'argent parce qu'il devait rembourser des dettes très considérables.

Il y aurait beaucoup à dire sur Dostoïevski et l'argent. Ce qu'il y a au fond du jeu, et de la conduite insensée de Dostoïevski, à mon avis, c'est le désir de gagner immensément d'argent.

Immensément, c'est-à-dire combien? Disons plusieurs dizaines de milliers de roubles, voire 100 000 roubles.

100 000 roubles, c'est la somme que, dans L'Idiot, Rogojine donne à Nastassia Philippovna, qui n'est pas spécialement intéressée, et qui les jette au feu pour se venger d'un autre de ses amoureux. Dans Le Joueur, Alexis Ivanovitch gagne 100 000 florins.

Selon moi, non seulement Dostoïevski n'est pas entièrement perspicace par rapport à sa propre pulsion de joueur, mais encore, dans une certaine mesure, il est victime d'une idée délirante ou quasi délirante. Cette idée est que, si l'on connaît le secret du jeu, il est impossible de perdre.

Dans une lettre à sa belle-soeur, du 20 août (1er septembre) 1863, Dostoïevski prétend que sa connaissance du jeu est le fruit de l'observation :

"Durant ces quatre jours, Varvara Dmitrievna, j'ai observé les joueurs. Ils sont là plusieurs centaines à ponter et, ma parole, à part deux, je n'en ai pas vu qui sachent jouer. Tous se ruinent littéralement, parce qu'ils ne savent pas jouer. Il y avait une Française et un lord anglais ; ces deux-là avaient la manière et ils ne perdaient pas, au contraire, ils ont failli faire sauter la banque."

Dans cette observation, n'y aurait-il pas une grande part d'imaginaire?

Dostoïevski introduit alors son idée délirante par ce que Freud appelle une négation.

Par exemple le patient dit :"Vous allez maintenant penser que je vais dire quelque chose d'offensant, mais je n'ai pas effectivement cette intention." Nous comprenons que c'est le renvoi, par projection, d'une idée incidente qui vient juste d'émerger. Ou bien "Vous demandez qui peut être cette personne dans le rêve. Ma mère, ce n'est pas elle." Nous rectifions: "donc, c'est sa mère"." (La Négation, 1925).

"N'allez pas croire, je vous prie, écrit Dostoïevski à sa belle-soeur, que je force le trait, de joie de n'avoir pas perdu, en prétendant que je connais le secret pour gagner. Ce secret, je le connais en effet ; il est d'une incroyable bêtise et consiste à se contenir à chaque instant, quelles que soient les phases de jeu et à ne pas s'emballer. C'est tout, mais alors il est impossible de perdre, on est sûr de gagner."

Il semble qu'en réalité Dostoïevski force le trait, contrairement à ce qu'il prétend, et qu'il est tout heureux d'avoir gagné, ce qui entraîne ou du moins renforce son idée délirante.

Dostoïevski joue donc pour la satisfaction que le jeu lui procure, à certains moments, quand il gagne, et non pas uniquement par autopunition.

Le prétendu secret de Dostoïevski n'est qu'une illusion, mais ce que le romancier affirme ensuite est juste :

"La question, pourtant, n'est pas là. Le problème, écrit-il, est que, une fois percé le secret, l'individu est-il capable et en état d'en profiter? Aussi sûr que deux et deux font quatre, avec le caractère le plus trempé, vous finirez malgré tout par foncer tête baissée. Le philosophe Strakhov se lancerait lui-même la tête la première. Aussi, heureux ceux qui ne jouent point et considèrent la roulette avec dégoût, comme la pire des stupidités."

Cette idée délirante ou quasi délirante de Dostoïevski, qui a sa source dans son désir, loin de faiblir ou de disparaître peu à peu, persiste malgré l'expérience des pertes.

Le 8 (20) septembre 1863, vingt jours après cette lettre à Varvara Dmitrievna, dans une lettre à son frère Mikhaïl, Dostoïevski défend ainsi son moi et son idée délirante :

"Tu m'écris : comment peut-on jouer jusqu'à tout perdre, lorsqu'on voyage avec l'être qu'on aime? Ami Micha : à Wiesbaden, j'ai mis au point un système de jeu, je l'ai appliqué et ai aussitôt gagné 10 000 fr(ancs). Le lendemain, j'ai changé de méthode, cédant à la passion, et j'ai immédiatement perdu. Le soir même, je revenais à mon système, avec toute la rigueur voulue, et gagnais bientôt à nouveau, sans effort, 3000 francs. Dis-moi : comment, après cela, ne pas se laisser emporter, comment ne pas croire que, si je suivais rigoureusement ma méthode, je tenais la fortune? Or j'ai besoin d'argent, pour moi, pour toi, pour ma femme, pour écrire mon roman. Là, on gagne des dizaines de milliers, comme de rien. Et puis, j'étais venu pour vous sauver tous et me tirer de misère. Avec, par-dessus le marché, la foi dans mon système."

Passe encore pour la foi au Christ, encore que Dostoïevski la maintiendrait même s'il était prouvé que le Christ n'est pas la vérité, mais que penser, par exemple, de la foi en la doctrine de Biélinski, ou de la foi dans le peuple russe? Quant à la foi dans un système de jeu, ne serait-ce pas le comble de l'idolâtrie?

(...)

Quoi qu'il en soit, l'idée délirante de Dostoïevski persiste ou revient.

(...)

La suite sera donnée dans notre numéro 235, à paraître en 2021. 

 

05/12/2020

Freud et Dostoïevski, décembre 2020.

Nous avons publié en décembre 2020:

Freud et Dostoïevski, 1. Comment, de sa sortie du bagne (1854) à son retour à Pétersbourg (1859), Dostoïevski a-t-il reconstruit sa vie? - Numéro simple.