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20/05/2012

Jean-Bertrand Pontalis, Freud et Léonard

Jean-Bertrand Pontalis, Freud et Léonard

 

Dans la rubrique (catégorie) Admirateur de Freud, mais admirateur critique, et dans nos numéros 177 (pages 33 et 34 en particulier), 181 et 185, ainsi que dans les extraits Freud et la conquête de la biographie et Freud et Léonard de Vinci, donnés sur ce blog, nous avons noté plusieurs points d’accord avec Jean-Bertrand Pontalis.

Pourquoi, alors que je me présente non pas comme un psychanalyste, mais comme un psychologue de la création littéraire et artistique, est-ce que je me sentirais plus proche de Jean-Bertand Pontalis que d’autres psychanalystes ou d’autres auteurs qui traitent de Freud ?

Dans Le Royaume intermédiaire (Penser l’intermé­diaire), Jean-Bertrand Pontalis écrit :

« Je ne plaide pas pour l’indécision. mais il est vrai que d’une manière générale, je n’apprécie pas les propos péremptoires, sans appel (comme ceux proférés par le Tribunal suprême) et que j’évite dans mes interprétations, proposées plutôt qu’imposées, tout ce qui pourrait être entendu comme « Je lis mieux que toi dans tes pensées » ou, pis, comme « Tu es ce que je dis ». »

Cette façon de voir me semble sage.

Dans les questions relatives à Léonard de Vinci, qui semblent relever moins de la clinique que à proprement parler que de l’étude, pourquoi choisir Jean-bertrand Pontalis plutôt que Jean Laplanche, par exemple, co-auteur lui aussi du Vocabulaire de la Pychanalyse, et qui a lui aussi écrit sur l’essai de Freud relatif à Léonard (Problématiques, III, La Sublimation, Presses universitaires de France, 1980, Quadrige, P.U .F., 1998) ?

Dans le sous-chapitre intitulé Le « Léonard » de Freud, Jean Laplanche s’exprime ainsi :

« Ici, pour cette année, notre abord restera singulier ; interrogation de Léonard de Vinci, non pas pour proposer une investigation personnelle des textes, de l’œuvre et de la vie de Léonard lui-même (ce pour quoi je n’ai ni le loisir ni la compétence) mais pour réinterroger le Léonard de Freud, écrit en 1910, et dont on peut considérer que c’est une œuvre de spécialiste, même si elle se trouve singulièrement contestée. »

Il est tout à fait honorable de reconnaître les domaines où l’on ne possède pas de compétences suffisantes, mais, à réinterroger le « Léonard » de Freud sans connaître suffisamment Léonard lui-même, ne se condamne-t-on pas à ne pas pouvoir décider de la pertinence ou du caractère peut-être erroné de beaucoup d’affirmations de Freud ? Au contraire, en étudiant à la fois Freud et Léonard, et en faisant preuve de suffisamment d’esprit critique, ne se rend-on pas mieux capable de progresser à la fois dans la compréhension de Léonard et dans celle de Freud ? C’est ce qu’a fait, me semble-t-il, Jean-Bertrand Pontalis.

Il y a toutefois une question en particulier sur laquelle je me trouve en désaccord avec ce dernier, celle de l’imagination.

Dans Freud et la conquête de la biographie (notre numéro 181), j’ai écrit :

« (…)

Après ces critiques, Pontalis entreprend toutefois une justification de Freud.

Comment lire Un Souvenir d’Enfance de Léonard de Vinci ? demande-t-il.

« On peut le lire d’abord, et c’est sans doute la meilleure voie, comme plus d’un nous engage à lire tout texte de Freud : sans trop nous soucier de son adéquation à la « réalité » ou de sa convergence avec les savoirs, souvent oublieux, eux, qu’ils ne progressent aussi que par l’erreur et dans l’excès. Après tout, la qualification de « roman psychanalytique » n’est péjorative qu’aux yeux de ceux qui ne tiendront jamais l’imagination pour la reine du vrai… Si on consent à lire ainsi l’essai sur Léonard, on est saisi par son mouvement propre, par l’audace, alors inouïe, de ses avancées et surtout par l’art de tenir ensemble des données aussi hétérogènes, multiformes, que l’était son modèle. »

« L’imagination est la reine du vrai » est une citation tirée du Salon de 1859 de Baudelaire. Elle vient immédiatement après ce que, selon le poète, on dit d’un savant sans imagination : « qu’il a appris tout ce qui, ayant été enseigné, pouvait être appris, mais qu’il ne trouvera pas les lois non encore devinées. »

Sans doute Freud a-t-il souvent fait preuve d’imagination au sens baudelairien dans le domaine de la psychopathologie. De mon point de vue, il n’en va pas de même dans les domaines de la psychologie de la création artistique, de l’esthétique, et même de la biographie.

L’audace, certes, est le propre d’un conquérant. Mais s’il néglige la prudence et la nécessaire adéquation à la réalité, ne risque-t-il pas de s’égarer ?

La qualification de « roman psychanalytique » est très péjorative, si Freud avait l’intention de créer une « science psychanalytique ». 

(…). »

Si, selon Baudelaire, « l’imagination est la reine du vrai », c’est parce que cette « reine des facultés » est l’analyse, la synthèse, et quelque chose de plus. Si c’est elle qui permet au savant de « découvrir les lois non encore devinées », et si d’autre part, comme le reconnaît Jean-Bertrand Pontalis, la joie éprouvée par Freud à mettre la main sur le souvenir d’enfance de Léonard lui a, sur quelques points particuliers, brouillé la vue, et l’a conduit à quelques petites erreurs, ou même à des erreurs d’une certaine importance, il n’a pas, dans cette mesure, fait preuve d’imagination au sens baudelairien.

« Même si l’essai de Freud sur Léonard, écrivais-je dans l’essai cité plus haut, contient des vues remarquables, les assemblages d’hypothèses très fragiles auxquels il a trop souvent recours n’en fait-il pas un édifice impossible ? »

Dans l’ensemble, je ne saurais trop recommander, avec toutefois la réserve mentionnée à propos de l’imagination, la lecture et la relecture de la préface de Jean-Bertrand Pontalis à Un Souvenir d’Enfance de Léonard de Vinci.

 

Jean-Bertrand Pontalis, voir :

 

http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Bertrand_Pontalis

 

Michel Valtin 

Nos essais et articles sur la Toile

Google indique:

Michel Valtin. Catalogue en ligne Bibliothèque Sigmund Freud

bsf.spp.asso.fr

La Bibliothèque Sigmund Freud (Société psychanalytique de Paris) mentionne:

Création artistique et vie de rêverie

et

Le don artistique, don inné, ou fruit d'un développement?

dans le numéro 173 de La Petite Revue de l'Indiscipline.

Admirateur de Freud, mais admirateur critique

Admirateur de Freud, mais admirateur critique

 

 

Par rapport à Freud, mon point de vue est celui d’un admirateur critique.

Admirateur, parce que je le considère comme un génie dans le domaine de la psychopathologie et de la psychanalyse, en raison de toutes ses découvertes, la sexualité infantile, les névroses, la paranoïa (Le Cas Schreber), les rêves, la psychopathologie de la vie quotidienne, etc.

Pourquoi critique ? Puisque je ne suis pas moi-même psychanalyste, j’admets que je ne suis pas nécessairement compétent dans le domaine clinique. Mais, puisque je me présente plutôt comme un psychologue de la création littéraire et artistique, c’est de ce point de vue-là en particulier que je considère et examine l’œuvre de Freud. Il se trouve que je suis loin d’être d’accord avec toutes les formulations et toutes les affirmations de ce dernier dans le domaine qui m’occupe.

Dans sa préface à Un Souvenir d’Enfance de Léonard de Vinci, Pontalis écrit :

« Quelle joie ce dut être pour Freud de mettre la main sur ce souvenir, joie qui alla, j’y viendrai tout à l’heure, jusqu’à lui brouiller la vue ! »

Plus loin, Pontalis écrit encore à propos de l’essai de Freud :

« On en vient à se demander ce qui fut d’abord salué comme un « tour de force » n’était pas un exercice d’illusionniste victime de sa propre illusion. » (Voir à ce sujet les numéros 177 (pages 33 et 34 en particulier), 181 et 185 de La Petite Revue de l’Indiscipline, ou les extraits qui sont donnés sur ce blog dans Freud et la conquête de la biographie et Freud et Léonard de Vinci).

Si nous admettons, avec Jensen lui-même, que Freud a bien compris, « dans l’ensemble et pour tout l’essentiel », les intentions exprimées dans Gradiva, il n’en va pas exactement de même sur tous les points, et en particulier sur certains points que Jensen semble considérer comme secondaires. Nous examinons les questions relatives aux désaccords partiels entre Freud et le romancier dans Freud et la Gradiva de Jensen (entre le psychanalyste et le romancier, des désaccords de détail ?), dont une petite partie seulement a, jusqu’à présent, été publiée dans notre numéro 189.

De manière générale, nous avons analysé et critiqué les affirmations de Freud au sujet de la création littéraire et artistique dans Qu’est-ce que le don artistique ? (notre numéro 173) et dans Freud, le créateur littéraire et la rêverie (notre numéro 177). Voir aussi les quelques extraits de ces essais et d’autres articles, donnés sur ce blog.

Il nous semble en outre que lorsqu’il sort du domaine de la clinique, Freud se livre parfois, de manière excessive, à son démon de la spéculation et à sa manie des hypothèses. Nous avons examiné et critiqué, de ce point de vue, le sixième chapitre d’Au-delà du Principe de Plaisir,dans notre numéro 185 (Freud et Léonard), pages 29 à 40.

Admirateur, donc, mais admirateur critique, de l’œuvre de Freud.

 

Michel Valtin